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1er prix Festhéapaca 2016

                                                                                                                                                  Bons ou méchants, honnêtes ou assassins, femmes de bonnes ou mauvaises moeurs… Ces rôles fragiles peuvent basculer au gré des circonstances.

Explorer cette distance si étroite, si vite franchie, c’est le propos de cet Opéra-Carnaval où comédiens, marionnettes et décors se transforment sous les yeux du public. Musique !

                                                                                                                                                 Création & conception de l'affiche : Manon MAURIN

Autour de la création...

 

Assumons que le théâtre n'est pas un sermon de codes esthétiques, mais un art populaire ouvert, visant à éveiller les consciences nues. Quoi de plus représentatif, alors, qu'un "Opéra pour les Gueux" ?

 

Vu du peuple, entrer dans un opéra est un défi risqué, plus encore que d'assister à une pièce de théâtre : un langage codifié, une musique lyrique, une langue emphatique, une fable empreinte de symboles. A tous égards, l'opéra peut appraraître, aux yeux du profane, comme un art suranné.

Mais l'autocensure - en art comme ailleurs, c'est la récession : le complexe du "je ne peux pas comprendre" a perclus une part de notre société, et nous nous y refusons. Dès lors, pour un metteur en scène autodidacte se plaçant dans la salle, il convient d'offrir au peuple un Opéra "dédramatisé". 

Plutôt que d'atomiser un genre, pourquoi ne pas le réinventer ? C'est ce que propose Jacques Clément depuis que son monde est monde. Et cette même démarche a mené Bertolt Brecht et Kurt Weil à écrire "l'Opéra de Quat'Sous", à partir de "l'Opéra pour les Gueux" de John Gay. Avec son texte brut et ses mélodies entêtantes, cet Opéra est écrit avant tout pour des comédiens, et à destination d'un public populaire. Il ambitionne, au-delà du pastiche, d'amener au théâtre des populations qui en sont privées. Mais ce qu'ignoraient Brecht et Weil, c'est qu'en devenant eux-même des monuments, il se sont substitués à la pesanteur d'un opéra qu'ils voulaient faire vaciller. Car la fable et la composition musicale des Quat'Sous sont quasiment devenues des classiques !

 

Notre propos s'appuie bien sur l'obsession de faire parler l'Opéra à nos contemporains, de jouer de notre liberté d'amateur pour aborder cet Opéra dans un esprit carnavalesque décomplexé, où les comédiens sont personnages, marionnettes, chanteurs, musiciens... tout à la fois, et où la pièce risque de n'être pas reconnue par les puristes. Et tant mieux.

 

 

Quelques motivations politiques

 

Cet Opéra apparaît à première vue comme une guerre des gangs, entre bandes rivales qui se battent pour un morceau de territoire et un paquet de pognon. Les classes sociales représentées ont érigé leur violence en nouvelle moralité et c'est avec inconscience qu'elles se livrent aux pires abjections, compromissions, trahisons, corruptions...

Pourtant, les personnages, haut en couleurs, se trouvent attachants de part cette même inconscience qui les mène à la catastrophe : persuadés de leur bonne action, ils chantent leur bonheur ou leur malheur de vivre au nom de l'humanité.

C'est cette contradiction apparente qui a rappelé à Jacques Clément l'expérience de Milgram : entre autres conclusions tout à fait édifiantes, cette expérience de psychologie réalisée entre 1960 et 1963 amène à démontrer que, sous certaines conditions de pression sociale, un individu est capable de s'affranchir de problèmes de consciences pour accomplir des actes de pire violence. Cette résonance avec les pires génocides de l'Histoire, analysée par Hannah Arendt dans "Les Origines du Totalitarisme", a toute sa portée dans l'Opéra de Quat'Sous : les personnages, persuadés que l'argent mène le monde, en oublient la  morale sociale et se lancent dans une quête égoïste de pouvoir, sous la pression d'un arrivisme petit bourgeois.

Par là-même, le bien et le mal ne trouvent plus d'objectivité, à tel point que le spectateur lui-même pourrait se surprendre à légitimer l'horreur. Tous les personnages ont leur "bonne raison", défendable quoique non excusable, et la chute finale de la pièce, retournée en inique rédemption, renverse une dernière fois les règles de fausse justice nouvellement établies.

Propres au carnaval, à la pantomime, ces jeux de distanciation, paraboles de la Révolution sociale, nous les voyons aujourd'hui projetés dans l'atomisation des classes modernes, interpénétrées mais non assimilées, installées mais dénudées de leur codes, libérées mais libéralisées, instrumentalisées par la médiatisation, qui voudrait bien les laisser croire mortes. L'oppression hier, l'intégrisme demain, comme béquilles de notre âme devant la violence du monde, ne doivent pas être la solution. 

 

JMG sur les propos de Jacques Clément

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PACA

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